C’est en 1960 que Klein réalise sa première « Anthropométrie ». Dans une salle de l’ancienne Galerie Internationale d’Art Contemporain à Paris, il invite un public trié sur le volet à assister à une performance inédite. Des modèles féminins, nus et recouverts de son célèbre bleu IKB (International Klein Blue), se pressent contre des toiles blanches, laissant des empreintes de leurs corps. Le résultat est une série de silhouettes bleues, à la fois éphémères et éternelles, capturant l’essence même du mouvement et de la présence humaine.
Une anecdote célèbre de cette période raconte comment, lors d’une de ces performances, Klein dirigeait ses modèles avec la précision d’un chef d’orchestre, utilisant des termes musicaux pour guider leurs mouvements. Il voyait ces séances comme des symphonies visuelles, où chaque geste, chaque contact avec la toile, créait une note dans une composition harmonieuse. Les spectateurs, fascinés, assistaient à une véritable chorégraphie de la couleur, où l’artiste et ses modèles ne faisaient qu’un.
Les « Anthropométries » de Klein ne se limitaient pas à la simple application de peinture sur des corps. Elles étaient le fruit d’une réflexion profonde sur la matérialité et l’immatérialité de l’art. Pour Klein, le bleu, couleur de l’infini et de l’immatériel, devenait un moyen de transcender la réalité physique et d’atteindre une dimension spirituelle. En utilisant des corps humains comme pinceaux, il cherchait à capturer l’énergie vitale, l’empreinte de l’âme sur la toile.
Lors d’une autre performance mémorable, Klein organisa une séance en plein air, dans un jardin parisien. Les modèles, enduits de bleu, se déplaçaient librement, imprimant leurs formes sur des toiles disposées au sol et sur les arbres environnants. Cette interaction avec la nature ajoutait une dimension supplémentaire à l’œuvre, où le bleu de Klein se fondait avec le vert des feuilles et le brun des troncs, créant une symbiose entre l’art et l’environnement.
Les « Anthropométries » de Yves Klein restent une œuvre phare de l’art du XXe siècle, une exploration audacieuse de la couleur, du corps et de l’espace. Elles témoignent de la capacité de l’art à transcender les limites matérielles et à toucher à l’essence même de l’existence humaine. À travers ces empreintes bleues, Klein nous invite à contempler la beauté fugace de la vie, capturée dans un instant d’éternité.
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