Dans un grand hôtel fastueux, un homme tente de convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison l’année dernière à Marienbad…

Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1961 (où, fait exceptionnel, A. Resnais réalisateur et A. Robbe-Grillet scénariste reçoivent chacun une statuette !), le film sort aussitôt en septembre sur les écrans français et déclenche une polémique entre une majorité enthousiaste parlant d’œuvre labyrinthique d’une profondeur éblouissante et une minorité virulente dénonçant un formalisme creux à la manière de Marcel L’Herbier. En fait, détesté par les « jeunes turcs » de la critique à la fin des années 50, l’auteur de L’Inhumaine (1924) et de L’Argent (1928) a été largement réhabilité depuis, ce qui ôte aujourd’hui leur principal argument aux détracteurs de Marienbad qui travaille justement ces contradictions surprenantes entre des effets d’un autre âge et une forme à la limpide beauté créatrice de sens.

« Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance sont absorbés par des tapis si beaux, si épais, qu’aucun bruit de pas ne parvient à sa propre oreille, comme si l’oreille, elle-même, de celui qui s’avance, une fois de plus, le long de ce couloir, à travers ces salons, ces galeries, dans cette construction d’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, lugubre où des couloirs interminables se succèdent aux couloirs, silencieux, déserts, surchargés par des corps sombres froids des boiseries, de stucs, des panneaux moulurés, marbres, glaces noires, tableaux aux teintes noires, colonnes, encadrements sculptés des portes, enfilades de portes, de galeries, de couloirs transversaux qui débouchent à leur tour sur des salons déserts, des salons surchargés d’une ornementation d’un autre siècle. Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance… »

Dans un palace somptueux évolue une clientèle anonyme de riches désoeuvrés. Un inconnu suit une femme. Il lui rappelle qu’ils se sont aimés, un an plus tôt. La femme refuse les souvenirs de cet homme. Peu à peu, elle se laisse convaincre. S’agit-il d’un manipulateur sadique ou est-elle une mythomane compulsive ? Ce qui s’assemble sous nos yeux comme les morceaux d’un immense puzzle appartient-il à un temps révolu, au présent ou à une rêverie éveillée ?

En 1961, Gabrielle Chanel a créé toutes les tenues portées par Delphine Seyrig. Alain Resnais souhaitait que l’actrice porte une garde-robe qui soit à la fois une évocation des tenues des stars des années 1920, tout en possédant cette élégance intemporelle si chère à Gabrielle Chanel. Ainsi les tenues choisies étaient des modèles issus des collections de haute couture de la maison.