De la préparation des danseuses en coulisses à la scène, Edgar Degas a consacré une large partie de son œuvre aux danseuses, montrant aussi bien la fatigue du corps à l’épreuve de la danse que la danseuse immatérielle en scène.

tout en usant de formules anciennes, Danseuses, innove par son format, sa composition, et constitue sans doute le témoignage le plus important de ce que l’on a appelé la « période classique » de Degas. Vers 1884, le peintre, en effet, simplifie sa composition, réduit la profondeur de son espace pictural, rabaisse son point de vue pour le rapprocher de la normale et se concentre sur un seul personnage ou groupe de figures. Il abandonne du même coup les intentions souvent caricaturales des oeuvres précédentes. Il répond ainsi à une aspiration exprimée par la critique et le public : protester « contre le fouillis des tons et la complication des effets dont crève la peinture contemporaine ». De ce point de vue, Danseuses a valeur de manifeste.

Degas utilise ici un format presque carré, inhabituel chez lui à cette date mais qu’il reprendra souvent par la suite. Alors qu’auparavant, il jouait dans ses « classes de danse » sur des figures isolées et de grands vides, il groupe ici six figures qui se touchent et se répondent, formant une sorte de créature unique à plusieurs têtes, plusieurs bras et plusieurs pattes. La blancheur des tutus assure la transition d’un corps l’autre et les gestes se font écho.
Une lumière inégale et crue qui avive l’éclat d’un dos et d’une épaule, la blondeur ou la rousseur d’une chevelure. Et le pastel tantôt dense, tantôt léger, traduit admirablement le vaporeux des tutus, l’aspect gris et poussiéreux de cette salle. Il permet également de brusques éclats colorés, tels le rouge et le jaune presque vert d’un chignon.

L’oeuvre annonce les impressionnantes séries de danseuses des années 1890 et 1900. Alors Degas reprendra des gestes, des attitudes similaires, jouant sur des coloris différents. Mais Danseuses est unique et n’a suscité aucune réplique, aucune variation. C’est un chef d’oeuvre qui prouve, au moment où l’impressionnisme se disloque, où Renoir, Pissarro et Monet tâtonnent, l’étonnante vitalité de l’artiste.