L’insurrection populaire du 27, 28 et 29 juillet 1830 à Paris, ou Les Trois Glorieuses, suscitée par les républicains libéraux contre la violation de la Constitution par le gouvernement de la seconde Restauration, renverse Charles X, dernier roi bourbon de France et met à sa place Louis Philippe, duc d’Orléans.

Témoin de l’évènement, Delacroix, y trouve un sujet moderne qu’il traduit méthodiquement en peinture mais avec la même ferveur romantique que pour la Guerre d’Indépendance grecque.

Visible au Musée du Louvre à Paris, département des Peintures : Peinture française.

Une Révolution parisienne

Incarnée par une fille du peuple coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque, vivante, fougueuse, révoltée et victorieuse, l’allégorie de la Liberté évoque la Révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté du peuple. Le drapeau, bleu, blanc, rouge, symbole de lutte, mêlé à son bras droit, se déploie en ondulant vers l’arrière du plus sombre au plus lumineux, comme une flamme.

Serré par une double ceinture aux bouts flottant sur le côté, l’habit jaune qu’elle porte rappelle les drapés antiques. En glissant au-dessous des seins, il laisse voir la pilosité de son aisselle que les classiques ont trouvée plutôt vulgaire, la peau d’une déesse devant être lisse. La nudité relevant du réalisme érotique l’associe effectivement aux victoires ailées. Son profil grec, son nez droit, sa bouche généreuse, son menton délicat et son regard de braise rappelle le modèle qui a posé pour Les femmes d’Alger dans leur appartement. Exceptionnelle parmi les hommes, déterminée et noble, le corps profilé et éclairé à droite, la tête tournée vers eux, elle les stimule vers la victoire finale. Son flanc droit sombre se détache sur un panache de fumée. Appuyée sur le pied gauche nu, dépassant de la robe, le feu de l’action la transfigure. L’allégorie participe à un réel combat. Le fusil à baïonnette d’infanterie, modèle 1816, à la main gauche, la rend vraisemblable, actuelle et moderne.

Deux gamins de Paris, engagés spontanément dans la bataille sont, l’un à gauche, agrippé aux pavés, les yeux dilatés sous le bonnet de police des voltigeurs de la garde; l’autre, le plus célèbre, à droite devant La Liberté, est le symbole de la jeunesse révoltée par l’injustice et du sacrifice pour les causes nobles. On lui associe Gavroche [H.Toussaint : La Liberté guidant le peuple de Delacroix. RMN. Paris 1982. p.47] avec son béret de velours noir des étudiants, ou faluche, signe de leur révolte. Avançant de face, la giberne, trop grande, en bandoulière, les pistolets de cavalerie aux mains, le pied droit en avant, le bras levé, le cri de guerre à la bouche, il exhorte au combat les insurgés.
Le combattant portant un béret avec cocarde blanche des monarchistes et noeud de ruban rouge des libéraux ainsi qu’une banderolle porte-sabre et sabre des compagnies d’élite d’infanterie modèle 1816 ou briquet est un ouvrier manufacturier reconnaissable à ses tablier et pantalons à pont. Le foulard qui retient son pistolet sur le ventre, évoque le Mouchoir de Cholet , signe de ralliement de Charette et des vendéens.

L’homme à genoux au chapeau haut de forme de bourgeois ou de citadin à la mode, peut-être Delacroix ou un de ses amis, porte des pantalons larges et une ceinture de flanelle rouge d’artisan; l’arme, un tromblon à deux canons parallèles, est un fusil de chasse. Celui qui saigne sur le pavé et se redresse à la vue de la Liberté, porte noué sur la tête un foulard jaune comme la robe de l’héroïne; avec sa blouse et sa ceinture de flanelle rouge de paysan, il rappelle les employés temporaires à Paris. Le gilet bleu, l’écharpe rouge et sa chemise répondent aux couleurs du drapeau.