« Un assassinat sans victime. J’ai tiré parce que j’aimais voir le tableau saigner et mourir ».

C’est ainsi que Niki de Saint Phalle évoque les « Tirs » qu’elle réalise entre 1961 et 1963, un dispositif de douze actions spectaculaires que l’artiste met en place avec Jean Tinguely. Elle en eut l’idée en février 1961, au cours de l’exposition « Comparaisons : peintures-sculptures » au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, où l’artiste exposait pour la première fois un relief-assemblage, Saint Sébastien or Portrait of my Lover : tableau composé d’une chemise surmontée d’une cible sur laquelle les visiteurs étaient invités à lancer des fléchettes.

Le premier « tir » a lieu le même mois, impasse Ronsin, en présence, notamment, de Pierre Restany, du photographe Harry Shunk et de Daniel Spoerri. L’œuvre du Mnam a été réalisée quelques mois plus tard, en juin 1961, à l’occasion de la première exposition personnelle de l’artiste, « Feu à volonté », organisée par Pierre Restany à la Galerie J et entièrement dédiée aux « Tirs ».

Pour cet ensemble, l’artiste fixe sur un panneau de bois divers objets insérés dans du plâtre, selon une composition précise, ainsi que des sachets de couleurs liquides, parfois emplis de produits alimentaires (spaghettis, œufs, riz, tomates), qui éclatent sous l’impact des balles et dégoulinent en traînées bariolées. Tentative d’assassinat perpétrée contre le tableau mise en scène avec humour, le geste radical de Niki de Saint Phalle constitue une parodie saisissante de l’abstraction tachiste et de l’Action Painting. Réalisés en public et avec la participation du spectateur, les « Tirs » s’intègrent dans le mouvement de subversion des codes artistiques par les happenings qui se multiplient au cours des années 1960.